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Jaunisse de la betterave Dérogation pour l'usage accru du Movento, « insuffisant » pour les betteraviers

Les modèles prédisent un risque jaunisse élevé pour ce printemps 2024.

Le gouvernement a annoncé vendredi une dérogation permettant d'utiliser davantage un insecticide sur les betteraves à sucre, une mesure « indispensable » selon les cultivateurs mais « insuffisante » face au risque élevé cette année de développement d'une maladie pouvant décimer les productions. (Article mis à jour à 15h54)

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« Cette année, les betteraviers pourront désormais faire jusqu'à 5 passages de Movento » au lieu de « 2 passages aujourd'hui », a indiqué Mme Pannier-Runacher, interrogée sur l'antenne de France Bleu Nord.

La douceur de l'hiver, associée à des pluies quasi-constantes depuis l'automne, a favorisé le développement de pucerons verts, vecteurs de la jaunisse de la betterave. Le trop-plein d'eau dans les champs, notamment dans les Hauts-de-France, première région européenne de production de la betterave à sucre, a retardé les semis, qui démarrent à peine alors qu'ils étaient achevés à cette période l'an dernier.

Les planteurs, qui ont actuellement le droit d'effectuer deux passages dans les champs de Movento (spirotétramate), pourront désormais « faire d'abord trois passages, et si le puceron est toujours présent, deux supplémentaires, » a indiqué Mme Pannier-Runacher.

L'usage du Movento pourra se faire en plus de l'épandage d'un autre insecticide, le Teppeki (flonicamide). Pour l'heure, une première dérogation de 120 jours permettra d'effectuer le troisième traitement de Movento, et si la pression des pucerons est trop forte plus tard, d'autres dérogations, permettant les deux autres passages de l'insecticide, seront prises, a-t-on précisé au cabinet de la ministre.

« Ces dérogations, c'est le minimum du minimum. Indispensable mais insuffisant. Tous les capteurs sont au rouge, les réservoirs de pucerons sont au même niveau qu'en 2020, année où on a perdu un tiers de la récolte et jusqu'à 70 % dans certaines zones », a déclaré à l'AFP Franck Sander, président de la Confédération des planteurs de betteraves (CGB), association spécialisée du syndicat majoritaire FNSEA.

« On a à peine 10 % des betteraves semées aujourd'hui. Il y a des champs où on ne peut toujours pas entrer à cause de l'eau. Cela veut dire que les pucerons arriveront au moment où les betteraves seront les plus fragiles, quand les plants sortent de terre et quand les feuilles couvriront le sol », a-t-il expliqué.

Alexis Hache, président des betteraviers de l'Oise, qui cultive 40 hectares à Vexin, ne décolère pas : « C'est absolument pas ce qu'on demandait ». « Quand on multiplie les passages d'une molécule donnée, on la condamne car la nature s'adapte », a-t-il déclaré à l'AFP, mettant en garde contre le développement d'une résistance des pucerons au Movento.

« On demandait une diversité des familles et des modes d'action pour justement éviter ces résistances et limiter les modes de passage », a-t-il ajouté.

Depuis des mois, la CGB réclame une dérogation pour l'acétamipride, insecticide interdit en France depuis 2016.

Estimant cette option irréaliste pour 2024, la ministre a indiqué à l'AFP que le gouvernement prépare « 2025 en regardant ce qui va sortir des analyses européennes ». Actuellement autorisé jusqu'en 2035 par l'UE, l'acétamipride fait l'objet d'une réévaluation par l'Efsa, l'agence sanitaire européenne.

« Distorsions de concurrence »

Le ministère de l'Agriculture a souligné à de multiples reprises qu'il n'envisageait pas de « revenir en arrière » sur les néonicotinoïdes, et travaillait sur des traitements alternatifs dans le cadre d'un plan de recherche national.

« Il faut sortir des produits phytos, mais c'est aussi irresponsable de supprimer les produits phytos dans le système économique dans lequel on est », a souligné François Théry, de la Confédération paysanne, lors d'un échange avec la ministre à Lorgies (Pas-de-Calais).

Après l'année terrible de 2020, les betteraviers avaient bénéficié de dérogations en France pour l'utilisation de semences enrobées de néonicotinoïdes. Ils ont vécu comme un « coup de massue » leur interdiction totale fin 2022 après une décision de la Cour de justice de l'UE.

L'année clémente en 2023, sans poussée massive de la jaunisse, a vu leurs rendements s'améliorer et leur a permis de profiter de la hausse des prix du sucre. « Nous demandons à pouvoir utiliser deux produits autorisés au niveau européen, mais aujourd'hui interdits en France : l'acétamipride(...), et la flupyradiflurone, qui peut être utilisée en enrobage de semences », a déclaré Franck Sander.

« En attendant, on fait face à des distorsions flagrantes de concurrence : nos voisins allemands continuent à utiliser l'acétamipride », a-t-il déploré.

La France, premier producteur européen de sucre, « exporte la moitié de sa production, soit 1,8 million de tonnes de sucres », selon la CGB.

 

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